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Le Dico de l'Instit
19 novembre 2019

Parents

            Parents : (syn : palette infinie de l’humain).

Avant de relater quelques observations que j’ai pu faire avec mes parents d’élèves, une remarque s’impose : l’attitude des parents vis-à-vis de l’école s’est fortement dégradée au cours des dernières décennies. Il y a quarante ans les agressions verbales ou physiques ne représentaient qu’un infime pourcentage de ce qu’elles sont aujourd’hui.

Une histoire qui circule dans les cours d’école (et qui est parfaitement réaliste) dit que si j’avais fait une bêtise à l’école, j’étais sanctionné par l’instituteur une première fois et ensuite à la maison, une deuxième fois. Aujourd’hui, très fréquemment, les parents se déplacent pour contester la sanction, ou en demander l’annulation. Le climat de confiance et de respect vis-à-vis des enseignants a fondu comme neige au soleil. Cela interroge chacun d’entre nous : qu’avons-nous fait pour être moins respectable ou digne de confiance. Mais aussi pourquoi « tant de haine », de la part des parents et des politiques notamment.

Pour avoir beaucoup circulé dans des écoles et des quartiers très différents, quelques types de comportements se remarquent. Dans les banlieues très défavorisées, le contact avec les parents est très difficile à instaurer souvent en raison de problèmes de langue. Je revois des réunions de rentrées avec 5 familles sur 25 ou 27. De nombreux établissements organisent des remises de bulletins auprès des familles sous peine de ne jamais les voir ; et il y en a encore qui ne se déplacent pas. C’est là aussi, qu’à plusieurs occasions j’ai failli me faire frapper par des parents sur la base de rumeurs infondées. Il s’en est fallu de très peu ! La violence étant bien souvent un moyen de communication utilisé dans ces quartiers. Violence des parents entre eux, qui n’hésitent pas à en venir aux mains à la sortie de l’école, violence des enfants entre eux dans et hors de l’école (les conflits du quartier ne s’arrêtent pas à la porte), et enfin violence vis-à-vis des enseignants, de la part des enfants et des familles.

A contrario, dans la petite école que j’ai récemment quittée, et où les familles sont qualifiées de CSP+, l’attitude est très différente. Pas question de laisser traîner une erreur dans un exercice. Celle-ci vous sera très vite signifiée ! Je n’ai jamais osé faire de même avec les mots dans les cahiers. Dans cette même école, les parents téléphonent au maire et à l’IEN pour demander le départ d’une collègue, et ils l’obtiennent. Des familles exigent le changement de classe de leur enfant en cours d’année et sont satisfaites (avec toujours la bénédiction de la hiérarchie). Bref, on est là dans l’intrusion et la consommation.

Entre ces deux extrêmes, dont le pouvoir de nuisance a un très fort impact sur la conduite de la classe et la vie de l’école, se trouve heureusement un grand nombre de gens avec lesquels il est possible de construire un dialogue bénéfique en premier lieu à l’enfant. Car on ne soulignera jamais assez l’importance du dialogue enseignant/famille dans la réussite des apprentissages.

Au fil des années, et dans la majorité des cas, j’ai eu la chance de connaître de bonnes relations avec la plupart des parents de mes élèves. Bien sûr, il y en a eu quelques-uns dont la progéniture était tout bonnement insupportable. J’ai vu des parents soutenir le comportement de leurs enfants violents, ou m’expliquer que j’étais en face de génies incompris. Je repense à cette famille me demandant de modifier l’appréciation sur un bulletin, au motif que jamais une école privée n’accepterait un tel élève (ce que je n’ai évidemment pas fait !). Je revois cette maman, traversant la cour en hurlant : « il est où ce connard d’instit ? », et à laquelle je répondais invariablement : « il est là », sous les yeux de mes collègues médusés ! Que dire aussi de celle qui avait décidé de m’impressionner en arrivant vêtue d’un mini bustier et d’un short microscopique, perchée sur d’invraisemblables talons aiguilles…Malheureusement, certains épisodes n’ont pas prêté à rire. Je revois ce spectacle de fin d’année, laborieusement préparé, au cours de longues heures de répétition, pendant lequel les parents n’ont fait preuve d’aucune écoute, dès lors que leur chérubin n’était plus sur la scène. Dans une école maternelle, une collègue directrice a dû interrompre un spectacle de Noël car des parents en venaient aux mains…

Il y a eu, certes, des moments très tendus, quelquefois dus au passé scolaire des familles, et à la projection qu’elles en faisaient à travers leurs enfants. S’ils ont été relativement peu nombreux sur quarante ans, ils ont dévoré une grande quantité d’énergie, et créé beaucoup de répercussions négatives. Difficile de rester serein et objectif quand on se fait « allumer » !

Je garde aussi précieusement des témoignages de satisfaction, sur la première page d’un livre, sur une carte, ou un simple mail. Sans en tirer aucune gloriole, je les prends comme un signe de reconnaissance, un baume permettant d’effacer les coups reçus par ailleurs. Comme je le disais plus avant, quand des parents viennent vous voir en fin d’année scolaire et vous demandent de prendre leur enfant l’année suivante, c’est une belle satisfaction. J’ai eu cette chance.

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