Ministre

            Ministre : (syn : intérimaire, précaire).

« Nous allons revenir aux fondamentaux : lire, écrire, compter ». Voilà en substance ce qui résume le discours de tous les ministres qui se sont succédé au cours des dernières décennies. En clair, ce qui se faisait avant n’est pas bon, et grâce à ma réforme, les choses vont s’améliorer. On dirait un gag, si ce n’était si sérieux. Donc à intervalles plus ou moins réguliers, les enseignants reçoivent de nouvelles injonctions concernant les contenus de programmes, les horaires des matières ou de la semaine, les contraintes administratives, l’organisation des classes, et j’en passe. Et comme de braves petits moutons, ils devraient s’exécuter, le doigt sur la couture du pantalon. C’est un tout petit peu plus compliqué que ça. Après plusieurs tours dans un sens puis un autre, la girouette se grippe ; au bout d’un moment le manque de cohérence et de vision à long terme fait défaut. Et finalement au bout du compte s’installe un sentiment de rejet puissant vis-à-vis de politiques qui ne savent pas diriger le navire, et qui surtout ne savent pas comment fonctionne une classe. Les décisions jacobines prises depuis Paris ne suscitent au mieux que du désintérêt. On a voulu nous faire croire quelquefois à de prétendues concertations. Et on a très vite constaté que tout cela était truqué.

Au fil des années, progressivement, j’ai fermé la porte à toutes ces agitations ministérielles, ces réformes plus ou moins stupides ou déconnectées de la réalité de la classe. Je me suis concentré sur mes élèves et leur progression, en évitant les parasites autant que possible.

Le ministre actuel (Blanquer) se montre beaucoup plus intrusif et dirigiste que ses prédécesseurs. En effet, il adresse aux enseignants des livrets de « bonnes pratiques » grâce à l’onction de certains scientifiques (qui sont d’ailleurs contredits par d’autres). Et il ne se contente pas de cela, puisqu’il renforce une loi visant à empêcher toute critique interne du système éducatif. On pourrait résumer tout ceci par : « tais-toi et exécute ». La liberté d’enseigner et celle de s’exprimer est clairement menacée. Les collègues vont devoir faire preuve d’une grande unité et de beaucoup d’imagination, afin de contrer cette attaque en règle. Je ne doute pas qu’ils puissent y parvenir, quitte à jouer la montre, la durée de vie d’un ministre étant par nature limitée !